Équipe
Responsable d’équipe : Suzanne Magali
Présentation
La physique du vivant est un domaine de recherche en plein essor qui étudie la contribution des paramètres physiques aux organismes vivants, mais aussi leur capacité à répondre aux défis physiques. Il est désormais reconnu que la mécanique tissulaire fait non seulement partie intégrante du développement et de l’homéostasie tissulaire, mais qu’elle est également impliquée dans le développement tumoral. Les approches de mécanobiologie in vitro ont conduit à des découvertes fondamentales sur l’étonnante plasticité des cellules, révélant l’importance des signaux mécaniques dans les systèmes vivants. Cependant, la pertinence de ces observations in vivo dans un modèle intégré et la manière dont les cellules coordonnent leur comportement pour créer de nouvelles formes sont loin d’être comprises.
Afin de mieux comprendre comment la mécanique contribue à la plasticité tissulaire, l’équipe s’intéresse aux questions suivantes :
– comment l’extrusion cellulaire, y compris l’apoptose et la transition épithéliale, est pilotée mécaniquement
– comment l’extrusion cellulaire et les contraintes externes influencent la morphogenèse tissulaire
– comment la mécanique cellulaire et tissulaire influence l’évolution tumorale
Ces objectifs sont abordés par des approches expérimentales, utilisant des systèmes modèles intégrés, notamment la drosophile et le poulet, offrant un large éventail d’outils génétiques et la possibilité d’imager des tissus vivants, ainsi que par la modélisation biophysique théorique pour comprendre les principes fondamentaux de l’extrusion cellulaire et de la dynamique épithéliale.
Projet 1
L’apoptose, acteur actif de la morphogenèse
Des études pionnières sur l’apoptose révèlent l’importance surprenante de la mort cellulaire au cours du développement normal de nombreux organes et organismes (Fuchs Y. et Steller H., 2015). Initialement, l’apoptose était simplement considérée comme un moyen d’éliminer les cellules, sans tenir compte de son influence potentielle sur les tissus environnants. Plus récemment, il a été suggéré que les cellules apoptotiques jouent un rôle dynamique important au cours de la morphogenèse (Toyama Y. et al., 2008 ; Suzanne M. et al., 2010 ; Ambrosini A. et al., 2016). Néanmoins, les mécanismes par lesquels les cellules mourantes induisent la modification de la forme des tissus étaient inconnus. En utilisant la patte en développement de la drosophile comme modèle pour étudier le repliement de l’épithélium dépendant de l’apoptose (Manjon C. et al., 2007), nous avons montré que les cellules apoptotiques, qui apparaissent spécifiquement dans le domaine de repliement, avant et pendant sa formation (voir vidéo 1), produisent une force de traction par le maintien inattendu de leurs jonctions adhérentes. Cette force entraîne une augmentation non autonome de la tension tissulaire et une constriction apicale des cellules environnantes, conduisant au repliement de l’épithélium. Ces résultats révèlent que, loin d’être éliminées passivement comme on le pense généralement, les cellules mourantes sont très actives jusqu’à la fin du processus apoptotique (Monier B. et al., Nature, 2015).
Film 1. – Magali Suzanne – Dynamique apoptotique dans la patte en développement. Les cellules apoptotiques sont colorées à l’orange d’acridine (vert), tandis que la surface apicale de l’épithélium est visualisée grâce à la DlgGFP (également en vert).
Sur la base de cette découverte, notre objectif était de comprendre comment les cellules apoptotiques influencent leur environnement, et de caractériser ce nouveau régulateur des forces mécaniques dans la morphogenèse. Pour ce faire, nous avons décortiqué les mécanismes cellulaires régissant la génération de la force apoptotique et identifié un réseau de gènes orchestrant la morphogenèse dépendante de l’apoptose grâce à un criblage génétique.
Modèle utilisé pour le criblage des gènes impliqués dans la morphogenèse dépendante de l’apoptose.
Schéma résumant les différents types de candidats identifiés par criblage génétique, notamment : (1) de nouveaux régulateurs potentiels de l’apoptose endogène ; (2) des gènes potentiellement impliqués dans la transmission en aval du signal apoptotique ; et (3) des gènes impliqués dans l’orchestration de l’apoptose conduisant à la formation des replis.
Conservation évolutive de la mécanique de l’apoptose et impact sur la morphogenèse chez les vertébrés
Nos travaux sur la patte de drosophile indiquent que l’apoptose peut contribuer activement à la morphogenèse, révélant que les cellules apoptotiques peuvent impacter leur environnement. Cependant, l’application de ce phénomène à la morphogenèse des vertébrés restait inconnue. Plus récemment, nous avons utilisé la formation du tube neural, un épithélium initialement plat qui se courbe et fusionne (voir vidéo 2), pour déterminer comment l’apoptose contribue à la morphogenèse chez les vertébrés. Des anomalies de fermeture du tube neural ont été rapportées lorsque l’apoptose est altérée chez des embryons de poulet et de souris, bien que les mécanismes cellulaires impliqués restent inconnus. En utilisant des embryons de poulet et de caille, nous avons constaté que l’apoptose survient principalement peu avant ou au moment de la courbure dorsale de l’épithélium neural et qu’elle est nécessaire à cette courbure. En combinant imagerie accélérée haute résolution, ablation laser et expériences d’immunodétection, nous montrons que les cellules apoptotiques génèrent une force apico-basale avant d’être expulsées du neuro-épithélium. Cette force est transmise à leurs voisines, comme le révèle la déformation cellulaire concomitante observée sur plusieurs diamètres cellulaires, suggérant une augmentation locale de la tension tissulaire. Au niveau subcellulaire, cette force déforme le noyau et précipite sa fragmentation. L’ensemble de ces données révèle que les cellules apoptotiques influencent mécaniquement leur environnement et suggère fortement leur contribution active à la courbure du tube neural. De plus, cela suggère que cette même force joue un double rôle dans la morphogenèse tissulaire et dans l’orchestration de la destruction cellulaire et nucléaire.
Film 2. – Daniela Roellig – Film montrant la dynamique de fermeture du tube neural chez l’embryon de caille.
La TEM, un acteur actif de la morphogenèse
Il est intéressant de noter que la TEM est souvent associée à l’invagination tissulaire au cours du développement ; cependant, son impact sur le remodelage tissulaire reste inexploré. En utilisant l’invagination du mésoderme (voir vidéo 3) et l’induction ectopique de la TEM dans le disque de la patte chez la drosophile, nous avons montré qu’au début du processus de TEM, les cellules produisent une force apico-basale, orthogonale à la surface de l’épithélium (voir vidéo 4), qui constitue un moteur important de l’invagination tissulaire chez la drosophile. Lorsque la TEM est induite ectopiquement, les cellules qui débutent leur délamination génèrent une force orthogonale et induisent un repliement ectopique. De même, lors de l’invagination du mésoderme, les cellules soumises à la TEM génèrent une force apico-basale par la formation de structures apico-basales de myosine II. En utilisant à la fois la microdissection laser et la modélisation physique in silico, nous montrons que l’invagination du mésoderme ne se produit pas si les forces apico-basales sont altérées, ce qui indique qu’elles constituent des forces motrices du processus de repliement. L’ensemble de ces données révèle l’impact mécanique de l’EMT sur la morphogenèse.
Film 3. – Mélanie Gracia – Film montrant la dynamique de l’invagination du mésoderme chez l’embryon de drosophile. Les noyaux sont codés par couleur selon la profondeur.
Film 4. – Mélanie Gracia – Dynamique de la myosine II pendant l’invagination du mésoderme chez l’embryon de drosophile. Notez la présence de structures apico-basales transitoires tout au long de l’invagination, à la fin de la constriction apicale.
Schéma récapitulant l’impact des forces générées par l’extrusion des cellules sur la morphogenèse.
Robustesse de la morphogenèse
Nous avons ensuite cherché à comprendre comment la mécanique tissulaire contrôle la robustesse morphogénétique face au bruit développemental. En utilisant la patte en développement de la drosophile et ses plis tarsiens stéréotypés comme modèle, nous montrons qu’un biais dans la propagation des forces assure une morphogenèse stéréotypée malgré la présence de bruit mécanique dans l’environnement. Nous avons constaté que l’inactivation d’Arpc5, membre du complexe Arp2/3, affecte spécifiquement la directionnalité des plis sans altérer les schémas développemental et de génération de force (voir vidéo 5). En combinant modélisation in silico, outils biophysiques et outils génétiques ad hoc, nos données révèlent que la polarité planaire de la myosine II jonctionnelle favorise la canalisation des forces à longue portée et assure la robustesse du repliement, évitant la diffusion des forces et isolant ainsi le domaine de repliement des perturbations mécaniques environnantes
Film 5. – Emmanuel Martin – Défaut de repliement dans un contexte d’ARN interférent Arpc5 (à droite), comparé à un disque de jambe témoin (à gauche). Les plis sont surlignés en bleu et le motif de segmentation de Dpn est en magenta.
Projet 2
Mécanique cellulaire de l’apoptose
Une étude pionnière de notre laboratoire a révélé que les cellules apoptotiques, loin d’être éliminées passivement, participent activement au remodelage tissulaire. Elles génèrent une force de traction par la formation d’une structure particulière d’acto-myosine le long de leur axe apico-basal (voir vidéo 1) et tirent sur leurs voisines (voir vidéo 2), ce qui augmente la tension locale et entraîne le repliement tissulaire.
Films 1-2. – Bruno Monier – Dynamique de DE-Cad::GFP (1) et MRLC::GFP (2) dans les cellules apoptotiques (en rouge dans la section 1) issues de disques de pattes en phase de pré-pliage. Notez la formation transitoire d’une structure apico-basale de la myosine II (1) et la déformation de la surface apicale (1-2).
Nous avons étudié le mécanisme cellulaire responsable de la génération de ces forces apico-basales et avons révélé que le noyau, outre sa capacité à répondre aux forces mécaniques, constitue un point d’ancrage essentiel pour la génération de ces forces, grâce à sa stabilisation par un réseau basal d’actine F lié à des adhérences focales. Ensuite, lorsque le câble d’acto-myosine se contracte, l’ancrage basal du noyau est perdu et le noyau remonte (voir vidéo 3). Ainsi, ces travaux révèlent que le noyau, outre son rôle dans la protection du génome, participe activement à la production de forces mécaniques et relie le cytosquelette contractile d’actomyosine aux jonctions basales.
Film 3. – Megane Rayer – Dynamique du noyau (vert) et de la myosine II (rouge) pendant le processus apoptotique dans l’épithélium cylindrique du disque de la patte de drosophile.
Nous démontrons également que ce mécanisme cellulaire est conservé chez les vertébrés en utilisant des embryons de poulet. Nous montrons qu’une structure tendue, semblable à un câble de myosine II, relie le noyau à la surface apicale de la cellule et se contracte, entraînant un mouvement ascendant du noyau avant la fragmentation de la cellule (voir film 4).
Film 4. – Daniela Rolellig – Dynamique du noyau (vert) et de la myosine II (magenta) pendant le processus apoptotique dans l’épithélium cylindrique du tube neural du poulet.
Mécanique cellulaire de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM)
Nous nous sommes ensuite interrogés sur la manière dont d’autres types d’extrusion cellulaire se comparent à la dynamique observée dans les cellules apoptotiques. Nous nous sommes intéressés à la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM), un processus essentiel tant dans les contextes physiologiques que pathologiques. Nous avons constaté que des forces apico-basales sont également produites par les cellules subissant une EMT avant leur extrusion, de manière similaire à ce qui a été observé dans les cellules apoptotiques (voir figure ci-dessous), par la formation d’une structure apico-basale de myosine II, qui est transitoire. Cette force apico-basale produit un signal mécanique, qui constitue une force motrice importante et influence activement les tissus environnants, comme le montre l’échec de l’invagination du mésoderme lorsque cette force est empêchée.
Images de cellules subissant une EMT (induite par l’expression de Snail) à différents stades du processus d’extrusion. Les cellules EMT sont en magenta (a-Cat), la myosine II non musculaire est en vert. Notez la présence d’une structure transitoire apico-basale dans l’image centrale qui coïncide avec une déformation apicale de l’épithélium.
Projet 3
Les tumeurs évoluent par l’acquisition de traits de plus en plus agressifs associés à la dysplasie. Cette progression s’accompagne d’une altération des propriétés mécaniques tumorales, notamment par le remodelage de la matrice extracellulaire. Cependant, la contribution de la mécanique tissulaire prétumorale, en particulier le remodelage subcellulaire des structures cytosquelettiques, à l’agressivité tumorale reste mal connue in vivo.
Pour comprendre comment la tension évolue au cours du développement tumoral et comment elle peut influencer l’évolution tumorale, nous avons analysé la tension tissulaire dès les premiers stades du développement tumoral, avant même l’apparition de la tumeur. Nous avons constaté que la tension des jonctions adhérentes dans les tissus prétumoraux dicte l’évolution tumorale ultérieure chez la drosophile. Une contractilité cellulaire accrue, observée dans les tumeurs agressives avant tout signe de prolifération tissulaire, s’est avérée suffisante pour déclencher une dysplasie dans les tumeurs normalement hyperplasiques. De manière inattendue, une contractilité élevée précède tout changement de polarité cellulaire et contribue à l’évolution tumorale par l’induction de la mort cellulaire, favorisant ainsi l’affaiblissement des jonctions cellulaires. Globalement, nos résultats soulignent la nécessité de réévaluer le rôle de la mort cellulaire tumorale et d’identifier la mécanique cellulaire prétumorale comme un marqueur précoce insoupçonné et un déclencheur clé de l’agressivité tumorale.
La myosine II s’accumule spécifiquement dans les tissus prétumoraux des tumeurs agressives. A. Tissu prétumoral ARNi Syx7 présentant une accumulation de myosine II par rapport au témoin (à gauche), tandis que les tissus ARNi Syx7 évoluent vers des tumeurs dysplasiques (à droite). B. Tissu prétumoral Yki3SA ne présentant aucun signe d’accumulation de myosine II (à gauche), tandis que les tissus Yki3SA évoluent vers des tumeurs hyperplasiques.
Projet 4
Tyssue : une bibliothèque de simulation d’épithélium
La bibliothèque Python Tyssue vise à fournir une interface unifiée pour implémenter des modèles biomécaniques de tissus vivants. Elle se concentre principalement sur les modèles d’épithélium basés sur les sommets. Tyssue permet de modéliser le comportement mécanique d’épithéliums 2D, 3D apicaux ou 3D complets en se basant sur la résolution numérique des équations de mouvement des sommets du maillage. Nous contribuons au développement de cette bibliothèque, développée par Guillaume Gay du Centre Turing de Marseille.
Figure représentant les différents types de maillage : sommet apical 2D (à gauche), sommet apical 3D (au milieu) et sommet 3D (à droite).
Impact des forces apoptotiques apico-basales versus transmission apicale
Pour tester le rôle des forces apoptotiques dans le repliement, nous avons élaboré un modèle physique basé sur le modèle de vertex 2D. En l’absence de forces dépendantes de l’apoptose, le modèle indique que la simple disparition de 30 cellules d’un domaine annulaire continu ne suffit pas à induire une réorganisation cellulaire et à créer une invagination au niveau tissulaire (voir vidéo 1). Cependant, si une force apico-basale transitoire est appliquée à chaque cellule mourante, une réponse d’invagination est observée tout autour du tissu cylindrique (voir vidéo 2). Ceci démontre que les forces apoptotiques sont nécessaires et suffisantes pour induire le repliement in silico.
Simulations montrant la forme d’un épithélium virtuel cylindrique avec (au milieu et à droite) et sans (à gauche) l’extrusion d’une trentaine de cellules apoptotiques, et avec (à droite) et sans (au milieu) forces centripètes apoptotiques.
Film 1-2. – Guillaume Gay – Simulations de la formation de plis avec (2) et sans (1) forces centripètes (apico-basales) dans les cellules apoptotiques.
Robustesse de la morphogénèse
Nous avons observé que le développement du repliement des pattes se produit dans un environnement mécaniquement bruyant. Pour tester l’impact des perturbations mécaniques sur la formation des plis, nous avons implémenté notre modèle précédent de développement du pliage des pattes et intégré des perturbations mécaniques aléatoires à proximité immédiate du domaine de pliage prédit, reproduisant ainsi le bruit mécanique observé in vivo. Il est intéressant de noter que nous avons constaté que le bruit mécanique semble suffisant pour induire des déviations de pli dans les simulations, reproduisant l’absence de polarité planaire de la myosine dans le tissu.
Nous nous sommes ensuite demandé si la restauration de la polarité de la myosine II dans un tissu non polarisé pouvait corriger les défauts de déviation de pli. Bien que cela ne soit pas réalisable in vivo, nous pourrions aborder cette question par modélisation in silico, en nous demandant si la déviation de pli causée par des perturbations mécaniques locales pouvait être corrigée par l’introduction de myosine II jonctionnelle polarisée planaire. Afin d’intégrer la polarité planaire de la myosine II dans le modèle, nous avons reproduit la polarité planaire de la myosine II et l’anisotropie de tension associée en attribuant différentes valeurs de tension jonctionnelle selon l’orientation de la jonction dans notre modèle. La robustesse du pli n’a pas été affectée par l’intégration de la polarité de tension dans le modèle en l’absence de perturbations externes. Il est intéressant de noter que l’augmentation progressive de la polarité tissulaire favorise la rectitude du pli et son insensibilité aux perturbations environnantes. Nous avons également quantifié la robustesse morphogénétique du pli dans notre modèle théorique pour différents degrés de polarité. Il est intéressant de noter que l’augmentation de la polarité diminue le degré de déviation du pli et donc la variabilité de sa directionnalité, ce qui confirme que la polarisation planaire de la tension tissulaire favorise l’isolation mécanique de la formation du pli, ce qui garantit in fine la robustesse morphogénétique.
Simulations incluant des perturbations mécaniques (les cellules difficiles sont représentées en noir) pour différentes valeurs de poids de jonction (c.-à-d. anisotropie de tension). Le domaine de repliement prédit est en jaune, le repliement réel en bleu et la correspondance parfaite en vert.
Les forces apico-basales des cellules EMT stimulent le remodelage épithélial
Afin de tester spécifiquement la contribution des forces apico-basales générées par les cellules EMT au repliement tissulaire, nous avons développé un modèle physique du réseau de jonctions apicales embryonnaires, basé sur le modèle de vertex que nous avons récemment implémenté. Ce modèle 3D d’invagination du mésoderme reproduit la dynamique cellulaire observée chez l’embryon (constriction anisotrope, constriction apicale progressive et asynchrone, et propagation de la force apicale). Dans ce modèle, les cellules mésodermiques contractent progressivement leur surface apicale, préparant ainsi leur future délamination. Les résultats de simulation ont montré que la tension apicale seule, sans force apico-basale, conduit uniquement à un mésoderme courbé, indépendamment de la force de contractilité apicale. Ce n’est qu’en présence de tension apico-basale que le mésoderme s’invagine, formant la forme en V observée in vivo.
Gracia, Theis et al., Nature Communication 2019 doi: 10.1038/s41467-019-10720-0
Simulation de l’invagination du mésoderme en absence (à gauche) ou en présence (à droite) de force apico-basale.
Projet 5
Outils développés au sein de l’équipe
L’Apoptosensor : une méthode pour suivre la dynamique des cellules apoptotiques
Afin de caractériser la dynamique des cellules apoptotiques dans l’épithélium des pattes en développement, nous avons adapté à la drosophile une méthode de marquage positif des cellules apoptotiques dans les tissus vivants. Ces rapporteurs (basés sur trois fluorophores différents) permettent la visualisation spécifique des cellules apoptotiques directement dans les tissus vivants, sans aucun traitement post-acquisition (voir vidéo 1). Ils présentent également l’avantage de marquer les cellules apoptotiques depuis l’initiation du processus jusqu’à leur fragmentation.
Film 1. – Magali Suzanne –
DISSECT : Une nouvelle méthode pour disséquer les surfaces épithéliales fortement déformées
La compréhension de la morphogenèse repose en grande partie sur la caractérisation de la topologie et des propriétés mécaniques des tissus, déduites des données d’imagerie. Un obstacle majeur dans ce domaine réside dans la nécessité d’analyser les données d’imagerie et d’extraire de manière automatisée des quantifications non seulement de la morphologie cellulaire et tissulaire, mais aussi de l’organisation du réseau cytosquelettique. Nous avons développé une méthode, appelée DISSECT, pour la segmentation et l’exploration des cellules et des tissus basée sur DisPerSE (Discrete Persistent Structure Extractor), qui offre la possibilité d’extraire automatiquement, dans des épithéliums fortement déformés, une caractérisation précise de l’organisation spatiale d’un réseau cytosquelettique donné combinée à des quantifications morphologiques dans des tissus épithéliaux tridimensionnels (3D) hautement remodelés.
Movie 2. – Sophie Theis –
Movie 3. – Sophie Theis –
Movie 4. – Tatiana Merle –
CONTRIBUTIONS AU DÉVELOPPEMENT D’OUTILS
Tyssue : une bibliothèque de simulation d’épithélium
La bibliothèque Python Tyssue vise à fournir une interface unifiée pour implémenter des modèles biomécaniques de tissus vivants. Elle se concentre principalement sur les modèles d’épithélium basés sur les vertex. Tyssue permet de modéliser le comportement mécanique d’épithéliums 2D, 3D apicaux ou 3D complets en se basant sur la résolution numérique des équations de mouvement des sommets du maillage. Nous contribuons au développement de cette bibliothèque développée par Guillaume Gay.
Schémas illustrant les différentes géométries des modèles de vertex : maillage du vertex 2D (à gauche), du vertex apical 3D (au milieu) et du vertex 3D (à droite).
RIM : Super-résolution sur échantillons vivants
Les méthodes actuelles de microscopie à super-résolution (SRM) souffrent d’une complexité intrinsèque qui pourrait limiter leur utilisation courante en biologie cellulaire. Nous contribuons au développement d’une nouvelle méthode basée sur la microscopie à illumination aléatoire (RIM), développée par Thomas Mangeat au CBI, qui augmente la résolution de l’imagerie en temps réel en x, y et z, évite les aberrations optiques tissulaires en profondeur et est compatible avec l’imagerie multicolore de cellules vivantes sur de longues périodes.
(à gauche) Schémas illustrant le principe de base de l’imagerie RIM.
(à droite) Comparaison des images RIM et Airyscan
Membres de l'équipe
– Merle T.* #, Theis S.*, Kamgoué A., Martin E., Sarron F., Gay G., Farge E. and Suzanne M#. (2023) DISSECT is a tool to segment and explore cell and tissue mechanics in highly deformed 3D epithelia Developmental Cell DOI: 10.1016/j.devcel.2023.07.017
– Schott S., Barbaste A., Benassayag C. and Suzanne M. (2023) Dissecting morphogenetic apoptosis through a genetic screen in Drosophila Life Science Alliance DOI: 10.26508/lsa.202301967
– Roellig D., Theis S., …Suzanne M. (2022) Force-generating apoptotic cells orchestrate avian neural tube bending Developmental Cell doi: 10.1016/j.devcel.2022.02.020
– Martin E., Suzanne M. (2021) mBeRFP: a versatile fluorescent tool to enhance multichannel live imaging and its applications. Development doi: 10.1242/dev.200495.
– Martin E., Theis S., …, Suzanne M. (2021) Arp2/3-dependent mechanical control of morphogenetic robustness in an inherently challenging environment Developmental Cell DOI: https://doi.org/10.1016/j.devcel.2021.01.005
– Gracia M, Theis S, …, Suzanne M (2019) Mechanical impact of epithelial-mesenchymal transition on epithelial morphogenesis in Drosophila. Nat Communication. doi: 10.1038/s41467-019-10720-0
– Ambrosini A, Rayer M, Monier B, Suzanne M. (2019) Mechanical Function of the Nucleus in Force Generation during Epithelial Morphogenesis. Developmental Cell. doi: 10.1016/j.devcel.2019.05.027.
– Proag A, Monier B, Suzanne M. (2019) Physical and functional cell-matrix uncoupling in a developing tissue under tension. Development. doi: 10.1242/dev.172577.
– Schott S, Ambrosini A, …, Suzanne M. (2017) A fluorescent toolkit for spatiotemporal tracking of apoptotic cells in living Drosophila tissues. Development. doi: 10.1242/dev.149807.
– Monier B, Gettings M, Gay G, Mangeat T, Schott S, Guarner A, Suzanne M. (2015) Apico-basal forces exerted by apoptotic cells drive epithelium folding. Nature. doi: 10.1038/nature14152.
Affiliation