Équipe
SnorDmiR
Responsable d’équipe : Cavaille Jérôme
Notre équipe de recherche s’intéresse aux petits ARN non codants antisens, en se concentrant sur les petits ARN nucléolaires de la famille C/D (SNORD) et les microARN (miARN). Les SNORD et les miARN sont bien caractérisés en termes de structures, de partenaires protéiques et de modes d’action. En formant des appariements de base avec d’autres ARN cellulaires (ARNm, ARNr, ARNt et U-snARN), ils jouent un rôle important dans le contrôle post-transcriptionnel de l’expression des gènes : les SNORD guident la synthèse des méthylations en 2′-O-ribose et de la N4-acétylcitidine portées par les ARNr, U-snARN et ARNt tandis que les miARN inhibent la traduction et/ou favorisent la dégradation de leurs ARNm-cibles.
Un défi majeur dans la compréhension de la fonction des miARN découle de leurs appariements courts et imparfaits avec leurs ARNm-cibles. Cela implique qu’un seul miARN peut théoriquement réguler des dizaines, voire des centaines, d’ARNm différents. Inversement, un seul ARNm peut être ciblé par plusieurs miARN. Ainsi, le grand nombre d’interactions potentielles combinatoires complique la capacité à identifier les paires miARN-ARNm qui sont biologiquement pertinents. En ce qui concerne les modifications chimiques dirigées par les SNORD, on pense qu’elles ajustent la structure secondaire et tertiaire des ARNr, des U-snARN ou des ARNt, ce qui influence l’épissage des pré-ARNm et la traduction des ARNm. Cependant, la perte d’une seule modification individuelle conduit rarement à des changements phénotypiques évidents chez les organismes multicellulaires.
Afin de mieux comprendre la signification biologique et évolutive des régulations médiées par les SNORD et les miARN, nous adoptons une approche multidisciplinaire qui combine génétique moléculaire (knockout), méthodes à l’échelle du génome basées sur le séquençage de nouvelle génération et analyses phénotypiques (physiologie, comportement et métabolisme), et ce, en utilisant divers modèles tels que la souris, les cellules humaines en culture, le poisson zèbres et la Drosophile. Nous portons un intérêt particulier aux fonctions régulatrices de nombreux miARN et SNORD atypiques dont l’expression est régie par l’empreinte génomique, un processus régulé au niveau épigénétique qui entraîne une expression mono-allélique en fonction de l’origine parentale des allèles. Dans ce contexte, notre recherche se concentre spécifiquement sur le cerveau et le placenta.
Nos recherches en cours sont organisées autour de trois axes principaux, décrits ci-dessous :
Projet 1
Le domaine chromatinien au locus 15q11q13 humain (synténique à la région 7c du chromosome murin) renferme de nombreux gènes de SNORD neuronaux exprimés de manière paternelle. La grande majorité de ces gènes sont regroupés en deux grandes régions répétées : SNORD116 et SNORD115. Contrairement aux autres SNORDs exprimés de manière ubiquitaire et bi-allélique, les cibles ARN cellulaires de SNORD116 et SNORD115 restent inconnues in vivo. SNORD115 est néanmoins prédit pour réguler la maturation du pré-ARNm htr2c (épissage alternatif et/ou édition A vers I). L’absence des SNORD, et en particulier celle des gènes SNORD116, est prédite pour jouer un rôle significatif dans la physiopathologie du Syndrome de Prader-Willi (SPW), une maladie génétique rare caractérisée par des anomalies hormonales et comportementales, avec notamment une hyperphagie comme symptôme marquant. Cet appétit incontrôlé peut conduire à une obésité sévère. Pour étudier les fonctions régulatrices médiées par ces SNORDs dans le cerveau, nous utilisons trois modèles de souris knockout : SNORD116-KO, SNORD115-KO et SNORD116/115-KO. Nous considérons qu’une meilleure compréhension de leur biologie pourrait non seulement révéler de nouveaux rôles régulateurs insoupçonnés dans les processus neuronaux, mais aussi fournir de nouvelles informations sur les mécanismes sous-jacents du SPW et ainsi aider à identifier des cibles thérapeutiques pour gérer ses symptômes.
Projet 2
Le cluster de microARN du chromosome 19 (C19MC) constitue une innovation génétique récente, présente exclusivement chez les primates. Ce cluster comprend une région noncodante d’environ 100 kb portant des gènes de miARN répétés en tandem (n = 46), exprimés de manière paternelle, et ce, exclusivement dans le placenta où ils représentant 20-30 % de la population totale de miARN dans ce tissu. Afin de mieux comprendre la fonction de C19MC, nous développons maintenant une série d’approches moléculaires et cellulaires vidant à identifier le répertoire complet des ARNm ciblés par C19MC-miRNA. Cette recherche ouvre de nouvelles perspectives pour explorer comment l’émergence récente de régulations via les miRNA influencent le développement et les fonctions du placenta chez les primates.
Projet 3
La N4-acétylcitidine (ac4C) hautement conservée présente dans l’hélice 45 de l’ARNr 18S est dirigée par SNORD13 (U13). SNORD13 établit deux appariements de bases imparfaits à proximité de la cytidine à modifier, ce qui facilite probablement le recrutement de la N-acétyltransférase NAT10 qui catalyse l’acétylation de la cytidine par des mécanismes qui demeurent encore très mal compris. De manière surprenante, l’acétylation de l’hélice 45 n’apparait pas essentielle pour la croissance des cellules humaines, la biogenèse des ribosomes, la traduction et le développement du poisson zèbre. Nos recherches en cours visent à élucider comment SNORD13 cible spécifiquement l’hélice 45 et à explorer le rôle de la N4-acétylcitidine dans la structure et fonction des ribosomes, notamment dans des conditions de stress physiologiques.
– Antisense pairing and SNORD13 structure guide RNA cytidine acetylation. Thalalla Gamage S, Bortolin-Cavaillé ML, Link C, Bryson K, Sas-Chen A, Schwartz S, Cavaillé J, Meier JL. RNA. 2022 Dec;28(12):1582-1596.
– Deleting Snord115 genes in mice remodels monoaminergic systems activity in the brain toward cortico-subcortical imbalances. Marty V, Butler JJ, Coutens B, Chargui O, Chagraoui A, Guiard BP, De Deurwaerdère P, Cavaillé J. Hum Mol Genet. 2023 Jan 6;32(2):244-261.
– The microRNA cluster C19MC confers differentiation potential into trophoblast lineages upon human pluripotent stem cells. Kobayashi N, Okae H, Hiura H, Kubota N, Kobayashi EH, Shibata S, Oike A, Hori T, Kikutake C, Hamada H, Kaji H, Suyama M, Bortolin-Cavaillé ML, Cavaillé J, Arima T. Nat Commun. 2022 Jun 2;13(1):3071.
– Probing small ribosomal subunit RNA helix 45 acetylation across eukaryotic evolution. Bortolin-Cavaillé ML, Quillien A, Thalalla Gamage S, Thomas JM, Sas-Chen A, Sharma S, Plisson-Chastang C, Vandel L, Blader P, Lafontaine DLJ, Schwartz S, Meier JL, Cavaillé J. Nucleic Acids Res. 2022 Jun 24;50(11):6284-6299.
– Reassessment of the involvement of Snord115 in the serotonin 2c receptor pathway in a genetically relevant mouse model. Hebras J, Marty V, Personnaz J, Mercier P, Krogh N, Nielsen H, Aguirrebengoa M, Seitz H, Pradere JP, Guiard BP, Cavaille J. Elife. 2020 Oct 5;9:e60862.
– Developmental changes of rRNA ribose methylations in the mouse. Hebras J, Krogh N, Marty V, Nielsen H, Cavaillé J. RNA Biol. 2020 Jan;17(1):150-164.
Financements
Affiliation